Extrême-Nord : amplification des inondations

 

La ville de Maroua, dans l’Extrême-Nord Cameroun, au fil du temps est le théâtre des inondations. Un phénomène qui dans la plupart des cas est l’œuvre des hommes et celle de la nature.

 

 

Routes bloquées, maisons détruites, marchés et boutiques envahies par les eaux. Champs et écoles méconnaissables, tel est le constat fait ses derniers jours lorsqu'on se rend dans la ville de Maroua.

En effet, l'agression des sols dans la ville de Maroua, précisément dans les quartiers Hardé, Bawliwol, Palar, Abattoir et bien d’autres sont victimes n'a pas tardé à faire ses effets : Aujourd’hui les inondations sont devenues le premier problème d'urbanisme auquel les populations font face presqu'au quotidien ; que dire du climat  tant vanté par le passé et qui en réalité faisait l'attrait et le charme de cette ville ? Aujourd'hui ce climat a disparu laissant la place à une chaleur extrême qui exaspère en saison sèche et à des pluies abondantes en saison pluvieuse qui font  migrer plusieurs d'entre nous. « Bien que la nature semble toujours agir lorsqu’on s’attend le moins, l’homme est la cause principale de l’accélération des inondations. Les constructions anarchiques dans des lieux marécageux affaiblissent le sol et ne permettent guère à celui-ci d’aspirer de l’eau », explique Wandji Cherif, spécialiste en géographie physique et enseignant de lycée.

 

En effet, les marécages sont des zones basses, humides, bourbeuses et argileuses tout au long de l'année qui parfois semble disparaître en saison sèche, avec un écosystème particulier. Ceux-ci participent à la neutralisation du gaz carbonique et donc à maintenir basse la température ambiante. Etablie par les écologistes être connue par les Etats, l'importance des marécages n'est plus à démontrer. Ce que les hommes ne comprennent pas, est qu’ils permettent d’éviter des inondations dans les villes et villages, adoucissent le climat pour ne citer que cela. « Les marécages sont les lieux d’infiltration des eaux ne pouvant pas se frayer un chemin. Grace à un sol riche en terre filtrante et une végétation appropriée, le marécage favorise la disparition des eaux et joue un rôle d’intermédiation entre les eaux des Mayo, fleuves et rivières qui débordent de leurs lits »  Précise  Chantale F. environnementaliste.

 

LA LOI ET LES TEXTES

 

Zones protégées par la législation depuis des décennies, comment comprendre que ces espaces soient aujourd'hui envahis par des hommes. « La loi N° 2004/003 du 21 avril 2004 régissant l’urbanisme au Cameroun dans son titre 1, chapitre 1, section 2 fixe les règles générales d’urbanisme et de construction. Aussi la loi N°96/12 du 5 aout 1996 portant loi  cadre relative à la gestion de l’environnement, fixe les dispositions et obligations générales à l’exploitation des zones telles que Hardé, marché Comice et partout dans le pays. Pour ne citer que celle-là, il est important de noter qu’il n’y a pas un contrôle et un suivi par les organes en charge de ces zones. Les mairies, les délégations de l’environnement et de la protection de nature, et celle de l’urbanisme doivent s’assurer de l’application de ces lois. Et cela pourrait être une solution à plusieurs problèmes. Lorsque les lois sont établies et que nous ne les respectons pas, des sanctions sont appliquées. Elles peuvent relever de la loi tels que les textes et aussi de la nature telles que les inondations.

 

Si le non respect des textes et le manque de contrôle des ministères ou communes en charge de ces zones semblent accentuer les inondations, ils ne peuvent être les principales causes  des inondations dans ce quartier.

 

 

L’ETROITESSE DES « MAYO »

 

« Il faut noter que les quartiers de la ville de Maroua sont pour la plupart encerclés des Mayo et parfois les zones de ruissèlement sont très petites  à certains endroits ce qui explique lors d’un épisode pluvieux plus ou moins important le niveau d’eau se trouve donc gonflé par les écoulements et surtout par les apports du ruissèlement », Daouda Haman, Ingénieur en hydrologie..

 

Il convient donc d’affirmer que l’une des principales causes des inondations dans la région est l’encombrement du lit des eaux par le rejet dans ce cours d’eau d’une quantité importante de déchets de tous ordres et types. « En effet, lorsque les quantités de déchets déversées dans le Mayo Kaliao  sont importantes, cela forme des amas d’ordures dans l’espace réservé à l’écoulement. Ces ordures bloquent les canaux d’évacuation des eaux (quand ils existent) et cette situation pousse donc l’eau, surtout lors des grands épisodes orageux à se frayer un chemin, mais surtout à sortir de son lit maximal pour engloutir les espaces ».  On peut donc voir clairement que la nature des sols de la zone est aussi une cause non négligeable et même importante dans la genèse des inondations.

 

 

 

« L’ABSENCE ET L’INSUFFISANCE D’UN RESEAU D’EVACUATION DES EAUX PLUVIALES »

 

« L’une des causes majeures des inondations dans le Diamaré est l’absence et l’insuffisance notable des réseaux d’évacuation des eaux en particulier celles pluviales. Cette situation qui ne cause pas directement les inondations, mais les amplifient plutôt, ne semble pas véritablement être pris en considération dans la politique d’aménagement de la zone. Car d’un bout à l’autre de l’arrondissement, on décrit une absence généralisée d’un réseau sûr et bien orienté d’évacuation des excédents d’eaux particulièrement pluviales. Aussi, l’espace y est forte humaniser et anthropomorphiser  telles que les capacités de rétention et d’infiltration d’eaux des sols se trouvent affaiblies ; et lorsque le sol ne peut plus absorber de l’eau, il se trouve donc que cette eau va ruisseler et envahir les espaces, surtout en cas d’orages ou d’évènements pluvieux de forte intensité », explique notre ingénieur Daouda Haman

 

 

Notons par ailleurs que, depuis plusieurs années il est difficile de faire des travaux d’aménagement à Maroua et ses environs : le cas des double voies de kakataré  lieu-dit montée Marché artisanal. Les inondations rendent difficiles les travaux d’aménagement car elles déposent sur les zones de construction des édifices routiers des matériaux mous qui à la longue perturbent ou entravent l’adhésion des matériaux utilisés pour le revêtement des voies de communication. Il faut intervenir pour empêcher le pire.

 

 

« Il existe déjà l’agence de prévention et de gestion des risques hydrologiques, qui est en charge de prévoir les risques d’inondations de façon à accroitre la vulnérabilité des édifices routiers. Le ministère de l’environnement et de la protection de la nature a mis sur place une politique de Sensibilisation des populations sur le fait de ne plus déverser les ordures et autres déchets sur le fond fluvial pour qu’il n’y pas d’encombrements du lit du cours d’eau. Vous remarquez déjà dans certains coins des villes des lieux de récupération pour objets de recyclage telles que les bouteilles plastiques », Abdou Haman responsable dans l’une des délégations d’arrondissement du ministère de l’environnement et de la protection de la nature.

 

Ainsi, espérant que l’écosystème retrouve son cycle normal, la création d’un réseau d’évacuation des eaux vers un exutoire semble être une solution efficace et durable pour minimiser le risque d’inondations. Aussi, la mise sur pied d’une structure d’observations des conditions de susceptibilité d’inondations. Vivement que les autorités camerounaises réagissent et le plus tôt possible serait salutaire pour que les quartiers de Maroua ne soient engloutis par les eaux.

 

Joel Godjé Mana

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

DECOUVERTE : « LE GUINAROU » CHEZ LE PEUPLE MOUNDANG

Nina Yekoui : Une nouvelle perle pour le gospel camerounais