Interview : « Les régions viennent combler les maisons de la décentralisation »
Dans le processus de décentralisation quel profit
auront les régions ?
« Les
régions sont avantageuses, car elles viennent combler les maisons de la
décentralisation, parce que ce concept est une construction qui avec les
communes, elles viennent au-dessus. En termes d’apport elles ont pour vocation
à planifier les questions de développement au niveau local. L’Etat ne serait
nécessairement pas là pour certaines choses, le conseiller régionale, le
président de région aura des marges de manœuvre qu’il pourra exécuter,
notamment en collaboration avec toutes les communes de la région dans laquelle il se trouve, mais également avec l’Etat. Car le représentant nommé par le
président de la république, va assurer le rôle de tutelle afin de savoir ce qui
se passe véritablement à l’intérieur et ses rapports peuvent être imminents,
parce que, un mauvais rapport envoyé à l’exécutif peut dissoudre le conseil
constitutionnel ».
Vous
dites que les conseillers régionaux seront des intermédiaires entre la région
et l’Etat, mais est-ce que certains ne vont pas se prendre la tête et de
faire des régions des Etats dans un autre?
« Le
Cameroun court un grand risque car n’ayant pas corrigé déjà les malentendus
existant. Car il y a ce problème entre les sous-préfets, les préfets et les
maires, donc la région qui sera quasiment l’équivalent d’un gouverneur nommé sera
un peu plus compliquée. Il faudra que le gouverneur et le président soit en
harmonie pour s’en sortir. Au-delà, il risque d'avoir même des problèmes au
sein des entités de la décentralisation. Prenons le cas de la ville de Yaoundé,
ou celle de Douala, où il y a ce qu’on appelle Maire de la ville, qui dicte
carrément sa loi aux Maires des communes d’arrondissement. Le cas du conflit
entre le super maire de la ville de Yaoundé, Luc Messi et celui De Yaoundé VI,
Yoki Onana. Ce genre de problème imaginez quand il y aura le président de région
qui lui-même sera élu. Si le maire de la ville ne s’arrime pas à la décision de
celui-ci c’est véritablement un ensemble de cacophonie. C’est pourquoi sur la
question au-delà du code général de la décentralisation qui est déjà en place,
nous on a suggéré depuis fort longtemps, ce qu’on appelle le code de la
déconcentration qui permettra au préfet, au sous-préfet et au gouverneur de
savoir désormais ce qu’ils auront à faire après la mise en place totale des
institutions de la décentralisation. Pour témoin, le cas de prééminence entre
le président de l’assemblée nationale et du sénat qui jusqu’ici se pose lors de
la présentation des vœux. Le respect de la hiérarchisation n’est toujours pas
respecté. Il faut réellement qu’on est un réaménagement mental des différents
acteurs mais aussi des populations ».
Alors,
s’il faut parler de décentralisation effective, quels rôles spécifiques
pourront jouer les régions ?
« Elles
vont venir parachever le mot progressivement qui existe dans la constitution.
Si on a les régions, normalement on doit enlever le progressivement, parce que
toutes les cases seront pleines sauf si d’aventure le président de la
république décide de créer d’autres collectivités territoriales. Après les
régions, c’est quasiment le parachèvement de toutes les institutions actées
dans la constitution de 1996 en ce qui concerne la décentralisation. Sur le
plan opérationnel, les conseillers régionaux auront véritablement à gérer les
problèmes au niveau régional. C’est-à-dire que celui-là sera aussi en charge de
la planification, comme il existe un plan communal de développement au niveau
de la commune, il est fort à parier qu’à l’avenir il en existe aussi un
régional de développement définit par les conseillers régionaux, par le
président de la république et structuré par eux. »
On
a entendu parler de statut spécial, de fédéralisme réclamés par certains, est
ce que vous pouvez nous briefer les dispositifs constitutionnels de la
décentralisation concernant les collectivités territoriales ?
« Moi
particulièrement j’étais contre le statut spécial, seul la régionalisation
vient mettre tout le monde au même niveau, le statut spéciale discrimine
davantage plus qu’il n’égalise. Certains se sentiront plus à l’aise d’autre
pas. Moi je soutiens le régionalisme, car s’il fonctionne normalement, c’est
une sorte de fédéralisme. Le seul problème aujourd’hui est qu’il risque d'avoir
une sorte de monolithisme au niveau de ces différentes institutions. Vous êtes
sans ignorer que le parti au pouvoir domine au sénat, dans les communes,
forcément il va dominer dans les conseils régionaux. Dans ce style de
management se sera un peu difficile, car c’est ce que le parti aura décidé qui
va régner Or si on arrive ou les présidents régionaux sont des partis homogène
la décentralisation aura une autre couleur. On est sur une tendance
progressive, cependant elle ne veut pas dire perfection, l’efficacité dans la
satisfaction des besoins des populations. La décentralisation, le statut
spécial, le fédéralisme c’est la prise en compte par les populations locale, de
leur besoin et la gestion par eux même au niveau local avant l’intervention de
l’Etat ».
Concernant
la constitution de 1996 modifiée, y a-t-il une différence entre elle et celle
de 1972 ou de 2008 ?
« Il
n’y a aucune différence. C’est la constitution de 1996 qui a formellement
inscrit le principe de décentralisation. Parce qu’avant cette date, le Cameroun
était un Etat unitaire, en 1996 la forme a évoluée et le pays est devenu un
Etat unitaire décentralisé. Ce qui ne signifie pas que la décentralisation
n’existait pas en 1972, elle était même d’ailleurs marqué en cette année-là
qu’aujourd’hui. Et maintenant 1996 est venu avec la disposition du mandat qui a
été réglé, on est passé d’un mandat de 5 ans à un mandat de 7 ans renouvelable
une seule fois qui devrait entrer en application, sauf que le politique qui
avait le rapport de force a pu modifier le consensus de 1996 en faisant lever
le verrou de la limitation des mandats. C’est ça qui change fondamentalement,
les autres éléments sont simplement venus accompagner et c’est ce que l’opinion
publique a pu retenir. On peut considérer la modification constitutionnelle
d’avril 2008 comme un coup d’Etat fait par le président en relation à la charte
africaine des droits de l’homme et de la démocratie ».
Que
pensez-vous des régionales qui vont se tenir en décembre 2020 avec la signature
des décrets fixant le nombre de conseillers régionaux par département et
catégorie et celui portant convocation du collège électoral ?
« Je
pense que nous risquons ne pas connaitre un véritable renouvellement des
élites. Parce que, après les élections, 2018 devrait être l’année qui
permettrait ce renouvellement. Mais l’agenda politique a été modifié. Les
législatives devraient passer avant la présidentielle, cela n’a jamais été le
cas, car elles ont été reportées pour février 2020 et on n’a pas modifié le
gouvernement. Ce qui fait qu’actuellement il y a des tractations qui se passent
pour le maintien des caciques et celui des positionnements de certaines
personnes. Cependant je pense que le conseil régional donne l’opportunité au
pays de corriger l’égalité au niveau du sexe. Au sein du pouvoir central ou
exécutif il n’y a aucune femme. Au secrétariat général de la présidence de la
république aucune femme n’est secrétaire générale, au sénat le président est un
homme et pareil à l’assemblée nationale. Lorsqu’on se tourne vers la
décentralisation, 10% seulement de femmes sont maires. Sur le plan des maires
de ville aucune parmi les 14. Que les régionales accordent au moins une place
aux femmes, que ces régions soient celle du centre, du littorale, de l’ouest ou
du sud-ouest sans discrimination, juste pour voir comment elles gèrent les
problèmes qui jusqu’à ce jour ne sont pas solutionnés. Avoir un management
féminin en guise de perspective pour la décentralisation.
Joël Godjé Mana
Commentaires
Enregistrer un commentaire